Paradoxe courant de ceux et de celles qui choisissent le métier de comédien (ne), Caroline Cellier était d’une pudeur et d’une timidité dont elle ne s’est jamais affranchie. Lucide cependant, depuis sa plus tendre enfance, de la fragilité de la vie, elle a su foncer, oser, saisir avec un appétit féroce les aventures qui s’offraient à elle, construisant, avec discrétion, une carrière qui la mena aussi bien au théâtre, au cinéma et à la télévision. Ainsi disait-elle, ne pas connaître les regrets. L’actrice qui reçut, en 1985, le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour L’Année des méduses, de Christopher Frank, est morte le 15 décembre à Paris, à l’âge de 75 ans, des suites d’une longue maladie.
Du plus loin qu’elle pouvait se souvenir, celle qui était née Monique Cellier, le 7 août 1945 à Montpellier, a toujours souhaité jouer la comédie. Timide mais décidée, elle s’inscrit dès l’âge de 18 ans au cours d’art dramatique de René Simon dont elle espère qu’il l’aidera à se débarrasser de son accent du midi – qui faisait tant rire ses camarades. Le théâtre a sa préférence. Elle le sert, dès 1963, sur les planches du Théâtre Gramont à Paris, dans On ne peut jamais dire, de George Bernard Shaw. Puis en 1964, à la télévision, dans une adaptation de La Mégère apprivoisée, de Shakespeare, avec Bernard Noël. La même année, elle joue dans Croque-Monsieur, de Marcel Mithois et Du vent dans les branches de sassafras, de René de Obaldia, pièces pour lesquelles elle obtient respectivement les prix Gérard-Philipe et Suzanne-Bianchetti.
L’époque se soucie peu des chapelles, rend aisées les rencontres. En 1964, elle est à l’affiche au cinéma du long-métrage de Jacques Poitrenaud, La Tête du client aux côtés de Francis Blanche, Michel Serrault et Jean Poiret. Ce dernier devient son compagnon. De jeu et de vie. De cet amour qui a duré jusqu’à la mort, en 1992, de l’acteur, auteur et réalisateur, est né Nicolas Poiret, devenu scénariste. Un fils qui, sur les réseaux sociaux, a rendu ainsi hommage à sa mère : « Tu auras été et tu resteras éternellement ma force, mes fous rires, mes angoisses, ma dérision, mes coups de sang, ma chevalière des injustices, ma détectrice d’hypocrisie… »
Elégance
Ses débuts conduisent rapidement Caroline Cellier auprès de cinéastes tels que Claude Lelouch – elle tourne pour lui de manière rapprochée La Vie, l’Amour, la Mort (1969) et Mariage (1974) –, Claude Chabrol qui lui confie un rôle dans Que la bête meure (1969) et Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1972 ; L’Emmerdeur, 1973). Cependant, malgré quelques-unes de ses présences marquantes, entre autres dans Le Zèbre, de Jean Poiret (1992), avec Thierry Lhermitte, et Femmes de personne, de Christopher Frank (1984), le 7e art demeure frileux et ne lui offre que des rôles secondaires. Talentueuse dans le registre comique comme dans les rôles plus dramatiques, Caroline Cellier inscrit une présence dans une trentaine de films, autant de pièces de théâtre et de téléfilms, avec une élégance peu commune. Une façon pour elle de se raconter, d’avancer et de mieux se connaître, sans ostentation. Rien ne l’angoissait plus que les interviews, se mettre en avant, se regarder sur les rushes. Tout cela pouvait la rendre malade.
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