La 48e édition du festival de bande dessinée a dévoilé son palmarès, en direct sur France Inter. Un cru un brin exigeant, ne reflétant pas tout à fait le dynamisme d'un genre populaire.
Un roman graphique qui met en scène un aveugle perdu dans les limbes de L'Enfer de Dante, sauvé de la prison par les livres dans une Amérique effervescente: voilà un beau symbole pour marquer cette 48e édition du festival BD d'Angoulême si étrange au cœur de la crise sanitaire. L'Accident de chasse, de Landis Blair et David L. Carlson (éditions Sonatine) qui vient d'être élu Fauve d'Or – prix du meilleur album de l'année, possède toutes les qualités d'une BD inoubliable. Deux ans après le sacre du formidable roman graphique d'Emil Ferris Moi ce que j'aime, c'est les monstres , on devine les connexions : même dessin en noir et blanc, chargé d'ombres et de hachures, à la Thomas Ott ou Art Spiegelman dans Maus.
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Les fulgurances oniriques du jeune Landis Blair suivent l'itinéraire du protagoniste cherchant à rejoindre la lumière à travers de sombres secrets de famille. Comme une allégorie des temps présents. L'Accident de chasse se déroule à Chicago, en 1959. Le jeune Charlie Rizzo qui vient de perdre sa mère, va habiter avec son père aveugle. Pour le jeune garçon, l'origine de la cécité de son père est simple : il a perdu la vue à la suite d'un accident de chasse. Le jeune héros découvrira très vite qu'il s'agit d'un terrible mensonge.
Une architecture de l'immensité
Mené de main de maître sur 466 pages, ce roman graphique décrit l'évolution de la relation père-fils, dans toute sa complexité et immerge le lecteur dans la psychologie des personnages et dans une architecture de l'immensité, à la William Blake ou à la M.C. Escher. Ces grands espaces hachurés permettent à l'album une splendide évasion par l'esprit. Le père aveugle qui a fait de la prison, après un braquage ayant mal tourné, est très attachant. Sa passion pour la littérature, sa fascination pour L'Enfer de Dante, son exploration des neuf cercles, font de L'Accident de chasse une œuvre qui met en avant la puissance de la littérature et celle de l'imagination.
Un palmarès un brin intellectuel
Le reste du palmarès, même s'il a plutôt tendance à sanctionner des BD exigeantes un brin intellectuelles, valorise des albums de grande qualité. Le Prix spécial du jury, revient à Dragman, de Steven Appleby (Denoël Graphic). Ce roman graphique drôle et poétique sur la question du genre, met en scène la première super-héroïne travestie, avec un humour très british, qui a fait hurler de rire Posy Simmonds.
Le Prix du public revient à Anaïs Nin, sur la mer des mensonges de Léonie Bischoff (Casterman), bel exercice de funambulisme sur une figure forte et troublante de la littérature du XXe siècle. On est impressionné par la qualité d'analyse qui sourd de ce «graphic novel» fluide, radiographie du talent et de la part d'ombre de la maîtresse de Henry Miller.
Le Prix de la série revient à Paul à la maison (La Pastèque). Michel Rabagliati y met en scène sa vie romancée de dessinateur québécois. Dans la série, Paul au Québec avait déjà été distingué par le Prix du public à Angoulême en 2010.
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Créé cette année par le festival avec le ministère de l'Éducation nationale, le Prix des lycéens distingue Peau d'homme d'Hubert et Zanzim (Glénat). Un album déjà amplement récompensé mais qui prouve qu'il touche également les lycéens par la finesse de sa réflexion sur le genre.
Le Prix du patrimoine est attribué à L'Éclaireur, de Lynd Ward (Monsieur Toussaint Louverture), un somptueux coffret qui remet en lumière tout le travail de graveur sur bois de l'un des précurseurs du roman graphique.
Un palmarès qui fait la part belle au roman graphique
Le prix Goscinny revient à Loo Hui Phang pour l'album Black-out avec Hugues Micol (Futuropolis). Cet album en forme de plongée dans les arcanes du cinéma américain des années 1930 à 1950, met en scène un acteur métis d'ascendance africaine, chinoise et amérindienne, capable de jouer tous les rôles «ethniques». La BD au dessin tantôt réaliste, tantôt fantasmagorique, questionne le pouvoir des images, ainsi que les idéologies et mythologies d'Hollywood.
Le Fauve Polar SNCF est attribué à GoSt111, de Mark Eacersall, Henri Scala et Marion Mousse, chez Glénat. Le prix Révélation revient à Tanz ! de Maurane Mazars (Le Lombard) et le Prix de l'audace à La Mécanique du sage de Gabrielle Piquet (Atrabile). Deux récompenses angoumoisines sont enfin réservées au jeune public : le Prix Jeunesse 8-12 ans pour Le Club des amis de Sophie Guerrive (2024) et le Prix Jeunesse 12-16 ans pour le tome 1 de Middlewest, de Skottie Young et Jorge Corona (Urban Comics).
Le palmarès d'Angoulême 2021 fait donc la part belle au roman graphique, à la bande dessinée exigeante, parfois même expérimentale. Mais on n'y trouve pas de manga ni de best-sellers grand public... Dommage.
L'intégralité du palmarès
Fauve d'Or – Prix du meilleur album
L'accident de chasse, Landis Blair et David L. Carlson, Traduit de l'américain par Julie Sibony, Sonatine
Fauve d'Angoulême - Prix spécial du jury
Dragman,Steven Appleby, Traduit de l'anglais par Lili Sztajn, Denoël Graphic
Fauve d'Angoulême - Prix révélation
Tanz !, Maurane Mazars, Le Lombard
Fauve d'Angoulême - Prix de l'audace
La Mécanique du sage, Gabrielle Piquet, Atrabile
Fauve d'Angoulême - Prix de la série
Paul à la maison, Michel Rabagliati, La Pastèque
Fauve d'Angoulême – Prix des lycéens
Créé par le festival avec le Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, en partenariat avec Cultura.
Peau d'homme, Hubert et Zanzim, Glénat
Fauve d'Angoulême – Prix de la BD alternative
KUTI, The Thick book of KUTI (Finlande)
Fauve d'Angoulême – Prix du public France Télévisions
Anaïs Nin, sur la mer des mensonges, Léonie Bischoff, Casterman
Fauve d'Angoulême - Prix Jeunesse 8-12 ans
Le club des amis, Sophie Guerrive, 2024
Fauve d'Angoulême - Prix Jeunesse 12-16 ans
Middlewest, Tome 1 Anger, Skottie Young et Jorge Corona,
Traduit de l'américain par Julien Di Giacaomo, Urban Comics
Fauve Polar SNCF
GoSt111, Mark Eacersall, Henri Scala et Marion Mousse, Glénat
Fauve d'Angoulême - Prix du patrimoine
L'Éclaireur, Lynd Ward, Monsieur Toussaint Louverture
Prix Goscinny
Black-out, Loo Hui Phang,avec Hugues Micol, Futuropolis
Prix Konishi
Tokyo Tarareba Girls d'Akiko Higashimura, pour la traduction de Miyako Slocombe, Le Lézard Noir
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